« Révolutions Intérieures »

Interview donnée au livre de Ronan LAFAIX par Philippe Keit

Spécialiste de la libération des chocs émotionnels et des mécanismes traumatiques, Philippe Keit exerce en cabinet dans la région parisienne. Son approche combine différents champs de pratiques issues du développement personnel (sophrologie, hypnose, méthode DECEMO (libération des traumatismes psychologiques, blocages émotionnels…), …) il est titulaire d’un professorat de Yoga, discipline qu’il pratique depuis plus de 25 ans. Formateur à l’Académie de sophrologie de Paris, il a pris part à différents programmes de prise en charge et prévention santé (du diabète notamment). Il se définit comme un « praticien qui accompagne l’Homme à éclairer sa propre conscience dans le respect de son écologie personnelle.»

« Le corps ne ment jamais »

Vous travaillez beaucoup sur la gestion des émotions. Pourtant, vous vous montrez assez mitigé sur le rôle du fameux « mental » que l’on prête aux compétiteurs. Pourquoi cela ?

P.K : En Asie, on a pour habitude de nommer le mental le « singe fou ». C’est une manière de démystifier ce fameux mental de montrer qu’il peut certes nous être utile dans certains moments clés en nous apportant de la motivation, mais qu’il peut aussi nous balader de toutes parts et nous éloigner de nous-mêmes.
Nos croyances sont issues de nos expériences de vie, de ce qui nous a été transmis par nos parents, par nos éducateurs.
Lorsque ces croyances impactent notre assurance, notre confiance et notre estime, on les nomme « croyances limitantes » , elles sont le reflet de notre réalité et nous empêchent souvent d’être nous-même.
A trop vouloir y croire et s’y conformer, ce mental peut nous couper de notre intuition et du contact à nous-mêmes.
Or s’il est un signe qui ne ment pas, c’est celui du contact à nos émotions. nous écoutons rarement le déploiement de nos émotions psychique et corporel, c’est pourtant la clé de la transformation de l’être

Pourquoi cela ?

P.K : Regardez autour de vous. Nous vivons entourés de sollicitations qui nous éloignent de nos émotions.
Ce sont les écrans des smartphones, la télé, la consommation à outrance, l’excès d’entraînement pour les sportifs…
Il faut « faire » et si nous n’entrons pas dans cette case, nous n’existons pas aux yeux de la société. Se reconnecter à ses émotions, c’est affronter pleinement la réalité et certains préfèrent s’en détourner pour ne pas souffrir… .
Or dans les faits, nos émotions ne sont ni bonnes ni mauvaises, elles sont toutes utiles, ce sont des messagers.
Lorsque l’on a vécu un traumatisme ou un choc émotionnel et que l’on se détourne des messages du corps qui en découlent, on se prive de ces messagers qui nous alertent, et l’on créé des boucles émotionnelles car ces émotions, ne pouvant s’exprimer se répètent, alimentant le mal être lié au traumatisme vécu.

Comment faire pour se reconnecter à ses émotions ?

P.K : Autorisez-vous à ne rien faire pour laisser les choses vous advenir. Le corps envoie beaucoup plus de messages au cerveau que le cerveau n’en envoie au corps ! Si vous préservez et cultivez le lien entre corps et esprit, l’accueil de nos émotions sera beaucoup plus aisé. Mais ce n’est pas évident, j’en conviens. Notre cerveau reptilien a pour fonction d’assurer notre sécurité. Dans le cas d’un stress important, trois options s’offrent à nous : attaquer, fuir ou se figer. ,
Le cerveau va au plus pressé et coupe alors les liens avec notre cortex pré frontal (analytique) ce qui permet d’agir dans l’instant pour se protéger ; il nous est alors impossible dans ce cas d’activer nos capacités de réflexion et d’analyse.

Lorsque l’impact du traumatisme vécu est insupportable nous avons tendance à nous éloigner de nos ressentis pour ne pas revivre l’expérience.
La résultante est que l’on se coupe de nos émotions. Cela nous empêche par la même de permettre au corps d’intégrer l’information qui reste alors comme « piégée » dans la mémoire du corps.
Cela nous conduit à vivre dans l’héritage des traumatismes, y compris transgénérationnels..
En «rephasant» notre inconscient, nous réparons les parties blessées par ces chocs nous libérant ainsi des fardeaux inhérents à ces traumatismes

La pédagogie Soyez P.R.O. travaille sur plusieurs aspects clés comme le détachement ou la respiration pour rétablir ce lien corps esprit chez le sportif Vous paraissent-elles déterminantes ?

P.K : Elles le sont. À la place de détachement, je préfère plutôt le terme de désagrippement.
lorsque nous sommes dans une volonté de tenir une posture, le risque de s’y enfermer est grand.
Se désagripper en cherchant davantage les sensations de présence nous conduit à un état de relâchement qui se ressent jusque dans les aspects musculaires.
La respiration est aussi essentielle. C’est un support fondamental, un mouvement permanent et continu, auquel nous pouvons nous raccorder à tout instant.
C’est véritablement une clé de voûte dans l’accueil de nos émotions.
La kinésithérapeute Françoise Mézières, à l’origine de la fameuse méthode Mézières, disait : « la respiration ne s’éduque pas, elle se libère. », cela est essentiel en ce sens qu’il ne s’agit pas d’un effort à produire, mais un instinct de soi à observer, accueillir et relâcher sans intention de maîtrise.

Comment intégrer une telle gestion des émotions dans un programme d’entraînement pour sportif ?

P.K : Le sportif travaille beaucoup sur le corps. Mais souvent, il n’accompagne pas cet entraînement avec une volonté d’écoute de lui-même. Un athlète qui travaille son physique et sa puissance sans prendre conscience de ce qu’il fait, risque fort de ne pas avancer durablement; faire l’exercice en conscience est fondamental.
Il existe divers protocoles et pratiques pour intégrer la gestion des émotions au cœur de la préparation.
L’important est de les suivre mais de ne pas se forcer à le faire. Il faut véritablement que cela demeure une envie, un besoin et que cela ‘puisse devenir peu à peu intuitif.
Si ce n’est qu’un effort de plus à fournir, sans conscience de sa nécessité profonde, ça ne favorisera pas la connexion nécessaire entre corps et esprit.

 

 

 

 

 

 

 

 

Philippe Keit